A propos d'hypnose
Emilie Lacape
1/15/202510 min read
L’hypnose, c’est quoi ?
Si on a lu Tintin, si on a vu Le Livre de la Jungle ou si on a assisté à un spectacle d’hypnose, on a tendance à avoir une vision caricaturale de ce que c’est que l’hypnose. Entre pendule à suivre, corps à la rigidité cadavérique ou imitation d'une poule... les fantasmes vont bon train.
En réalité, aujourd’hui, le terme « hypnose » désigne plusieurs choses:
un état de conscience – on parle souvent d’un « état modifié de conscience » ;
la technique pour y parvenir – qu’on appelle souvent « induction », car il s’agit d’induire l’état d’hypnose chez la personne qui vient se faire hypnotiser ;
une forme de relation particulière – entre la personne qui hypnotise et celle qui est hypnotisée ;
la thérapie qui en découle – dans le cas où il s’agit d’hypnose thérapeutique.
L’hypnose, comment ça marche ?
L’hypnose induit un état de conscience particulier (dit aussi « état de conscience modifié ») caractérisé par une indifférence à l’extérieur, une souplesse d’esprit qui permet de considérer ses problèmes sous un œil nouveau, et une capacité fortement accrue à recevoir des suggestions. Une fois atteint, cet état de conscience hypnotique est utilisé pour amplifier les ressources internes de la personnes à différentes fins.
Peut-on être hypnotisé si on ne le veut pas ?
Non, on ne peut pas être mis dans un état de transe hypnotique quand on ne le désire pas. L’hypnose est un état coopératif, qui suppose que vous soyez en confiance et volontaire pour y entrer. En fait, c’est un peu comme quand vous regardez un film : si vous n’avez pas envie de vous laisser aller, si vous n’avez pas envie de rentrer dedans, vous allez rester extérieur(e) à l’histoire...
Quelle est la différence entre hypnose de spectacle et hypnose thérapeutique ?
L’hypnose de spectacle vise à divertir. Un hypnotiseur de spectacle utilise des techniques rapides pour produire des phénomènes impressionnants. Il peut donc être très fort pour mettre en état d’hypnose, mais l'utilisation qu'il fait de la transe hypnotique est limitée car elle n’a pas d’autre fin que le divertissement.
En hypnose thérapeutique, l’objectif n’est pas d’impressionner mais d’aider une personne à résoudre des problèmes spécifiques dans un cadre bienveillant et respectueux. On voit donc rarement des phénomènes spectaculaires en cabinet, et le travail d’accompagnement en hypnose peut prendre différentes formes (interactive ou passive, symbolique ou concrète…), en fonction de ce qui est pertinent.
Comment savoir si on est réceptif à l’hypnose ?
Tout le monde est susceptible de se faire hypnotiser. Les personnes qui sont capables de se concentrer facilement ou qui aiment se laisser porter par leur imagination sont souvent plus facilement réceptives. Mais le paramètre le plus important, pour être réceptif, est de vous sentir en confiance et à l’aise avec votre hypnothérapeute.
Est-ce que tout le monde peut être hypnotisé ?
Tout le monde peut être hypnotisé, à condition d’en avoir réellement envie. Certaines personnes vont pouvoir atteindre un état de transe hypnotique profonde très facilement, tandis que d’autres se limiteront à un état d’hypnose léger, et auront besoin plus de pratique.
L’état d’hypnose est-il comparable à un état de sommeil ?
L’état d’hypnose n’est pas un état de sommeil, mais plutôt de veille paradoxale : même si les yeux sont fermés, et même si l’attention peut partir ailleurs, des processus internes et profonds sont en cours. La plupart du temps, la personne reste active dans le processus. Contrairement aux mythes, elle ne perd pas le contrôle et peut rester consciente tout au long de la séance.
Quels sont les domaines d’application de l’hypnose ?
L’hypnose recouvre un ensemble de pratiques sensiblement différentes : hypnosédation (utilisée en anesthésie), hypnoanalgésie (contre la douleur), et hypnothérapie (à visée psychothérapeutique).
L’hypnose est donc un outil qu’on l’utilise dans le cadre de la médecine traditionnelle ou dans le cadre d’une psychothérapie intégrative. L’hypnose est proposée dans de très nombreuses situations, comme :
dans la prise en charge de la douleur * ;
dans le cadre de certaines anesthésies * ;
dans le cadre de certaines psychothérapies (phobies, problèmes d’estime de soi, troubles anxieux, syndromes post-traumatiques, troubles du comportement alimentaire, addictions, gestion des émotions, troubles du sommeil) ;
dans le cadre de la préparation des grands sportifs ;
dans le cadre de soins palliatifs.
* Attention toutefois, les séances d’hypnose destinées à réduire la douleur ou à visée d’anesthésie sont considérées comme des actes médicaux. Seuls les médecins, chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, ou d’autres professionnels de santé sous leur responsabilité et dans le cadre d’une prise en charge pluri-professionnelle, peuvent pratiquer l’hypnose à ces fins.
L’efficacité de l’hypnose est-elle reconnue scientifiquement ?
Oui, depuis une dizaine d'années, les études scientifiques se multiplient pour attester de l’efficacité de l’hypnose, notamment pour la gestion de la douleur et la préparation à des interventions médicales, le traitement des troubles anxieux (stress) et des troubles psychosomatiques i.
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié en 2015 un rapport d’expertise collective évaluant l'efficacité de l'hypnose dans diverses indications médicales. Ce rapport ii conclut notamment à un intérêt thérapeutique de l'hypnose pour la sédation / analgésie durant les actes chirurgicaux ainsi que pour le syndrome du côlon irritable.
En 2024, des anesthésistes australiens ont utilisé l'hypnose comme alternative à l'anesthésie générale lors de craniotomies (!), permettant aux patients de rester conscients et coopératifs pendant l'intervention, et de récupérer plus facilement après l’opération. Un article du quotidien Adelaide Now iii rend compte de cette expérience.
En matière de santé mentale, l'American Psychological Association a confirmé en 2024 iv que l'hypnose clinique présente des bénéfices clairs en psychothérapie, améliorant les résultats dans des domaines tels que la gestion de la douleur, l'anxiété, la dépression et le sommeil.
En 2018, une première étude v portant sur le traitement hypnothérapeutique des troubles du sommeil plaçait l'hypnose comme un traitement prometteur pour les problèmes de sommeil, avec une incidence faible d'effets indésirables, et appelait de ses vœux de nouvelles études sur le sujet.
Ainsi, on le voit, l’engouement scientifique pour l’hypnose suit de près celui du public.
De quand date la pratique de l’hypnose ?
Longtemps enveloppée de mystère, l’hypnose puise ses racines dans l’Antiquité : les Égyptiens utilisaient déjà des pratiques proches pour induire des états modifiés de conscience et plus tard, en Grèce antique, des « temples du sommeil » étaient dédiés à la guérison par des états de transe.
Le médecin allemand Franz Anton Mesmer fut le premier à tenter d’expliquer en 1773 le phénomène hypnotique. Sa théorie du « magnétisme animal » (ou « mesmérisme ») est aujourd’hui considérée comme précurseure de l'hypnose moderne. Elle reposait sur l'existence supposée d'un fluide magnétique universel dont on pouvait faire une utilisation thérapeutique. Bien que l'Académie des sciences de Paris condamna sa pratique en 1784, le concept de magnétisme fut adopté par un certain nombre de médecins.
Le chirurgien anglais James Esdaile (1808-1859) réalisa ainsi en Inde près de 350 opérations (amputations, ablations du sein et excision de tumeurs) en utilisant la technique de "mesmérisme".
En 1841, l’ophtalmologue James Braid développa la théorie du monoïdisme, selon laquelle la concentration sur une seule et unique pensée conduirait à un état de sommeil neurologiquement conditionné, posant ainsi les bases scientifiques de ce qu'il nomma ensuite « hypnose ». Mais la pratique recula à partir de 1846, dans le contexte de l’introduction de l'anesthésie à l'éther et au chloroforme.
Il faut attendre 1891 pour que l’hypnose revienne sur le devant de la scène. La British Medical Association charge alors un groupe de médecins d'enquêter sur « l'hypnotisme ». Après étude, le comité d'experts conclut que l’hypnose se révèle efficace dans le traitement de la douleur, des troubles du sommeil et des symptômes fonctionnels, et recommande à l'unanimité son application thérapeutique.
Si l’on passe rapidement sur les brèves expérimentations du psychanalyste Freud ou les controverses liées à son utilisation par Charcot et Bernheim, c’est véritablement Milton H. Erickson, psychiatre et psychologue américain, qui révolutionna le domaine avec sa pratique d’une hypnose élaborée sur mesure pour le patient : « l’hypnose ericksonienne ».
Depuis une quinzaine d'années, l'hypnose revient en force et son utilisation est de plus en plus préconisée pour le traitement médical de la douleur, mais aussi au sein de toute psychothérapie intégrative.
Qu’est-ce que l’hypnose ericksonienne ?
L’hypnose dite ericksonienne est née dans la seconde moitié du XXe siècle, sous l’impulsion du psychiatre Milton H. Erickson. Atteint de poliomyélite à l'âge de dix-sept ans, Milton Erickson est une figure emblématique du «guérisseur blessé», qui expérimenta sur lui-même certains phénomènes qu'il mit par la suite en application auprès de ses patients.
Son approche innovante de l’hypnose reposait sur l’idée que l’inconscient est une réserve de ressources positives auxquelles des barrières de protection nous empêchent d'accéder. Contrairement à l’hypnose classique, Erickson utilise des suggestions indirectes, des métaphores et un langage adapté pour permettre au patient de trouver ses propres solutions. Milton Erickson fut ainsi le premier à rompre avec l’approche traditionnellement autoritaire de l’hypnose (songez aux fameux « Dormez, je le veux ! ») en utilisant des suggestions plutôt que des injonctions.
Hypnose clinique, hypnose conversationnelle, hypnose humaniste… quelles différences ?
Le terme "hypnose" renvoie comme on le disait plus haut aux techniques thérapeutiques qui utilise l'état d'hypnose. Il existe différentes approches de l'hypnose, dont on peut résumer les principes ainsi :
Hypnose classique : Basée sur des suggestions directes, elle est souvent utilisée pour des objectifs spécifiques comme l’arrêt du tabac ou la gestion de la douleur.
Hypnose ericksonienne : Plus subtile et permissive, elle s’adapte aux besoins uniques du patient, favorisant la collaboration inconsciente de la personne par-delà son attention consciente.
Nouvelle hypnose : Inspirée de l’hypnose ericksonienne, elle s’en distingue notamment en s’appuyant davantage sur des protocoles.
Hypnose humaniste : maintient le patient pleinement conscient et l’aide à accéder à un état d’hyper-conscience pour développer son potentiel, à travers une série de protocoles.
Auto-hypnose : Cette pratique permet à l’individu de s’induire lui-même un état hypnotique, utile pour gérer le stress ou améliorer la concentration.
Personnellement, j’utilise l’hypnose ericksonienne. Chaque séance est entièrement personnalisée et adaptée aux besoins de la personne.
Comment se déroule une séance d’hypnose?
Une séance d’hypnose comporte toujours quatre temps :
1. La discussion préalable, au cours de laquelle le thérapeute explore les attentes, les besoins et les préoccupations de la personne, qui vont permettre de définir un objectif pour la séance.
2. Le passage à un état hypnotique (aussi appelé « induction »), par lequel le thérapeute utilise généralement des suggestions verbales que la personne va suivre, et qui peut inclure des techniques de relaxation, de focalisation de l’attention, de visualisation guidée...
3. Le travail hypnotique, dans lequel la personne est amenée par exemple à désactiver des réflexes inconscient, modifier les réponses réactionnelles à certains déclencheurs, ou encore, apaiser des souvenirs traumatiques…
4. Le retour à l’état habituel de conscience
Comment sait-on qu’on est en état d’hypnose ?
Chacun vit l’état d’hypnose à sa façon, et peut le vivre différemment chaque fois, en fonction de son état général, ses besoins du moment...
De manière générale, on peut dire que l’état d’hypnose se caractérise par :
Une profonde sensation de relaxation physique
Une sensation de légèreté ou de lourdeur
Une altération de la perception du temps
Une hyper-concentration sur les suggestions ou les images mentales
En fait, contrairement à ce qu’on voit parfois dans l’hypnose de spectacle, l’hypnose ne ressemble pas à une perte de contrôle, mais bien plutôt à un état de concentration intense.
Est-ce que tout le monde peut être hypnotisé ?
Oui, tout le monde peut être hypnotisé, mais pas de la même manière. La capacité d'une personne à entrer en hypnose varie selon :
La volonté et le désir de la personne
Le contexte et la qualité de la relation établie avec le thérapeute
La faculté de concentration et la capacité à suivre des instructions
Environ une personne sur dix est très réceptive, tandis que d’autres peuvent avoir besoin de plusieurs essais pour atteindre un état hypnotique.
Doit-on parler pendant une séance ?
Cela dépend des séances et des thérapeutes. Certaines méthodes impliquent des échanges, tandis que d’autres se déroulent en silence pour vous permettre de vous concentrer sur vos ressentis. Personnellement, je préfère qu'il y ait un échange, ce qui n'empêche pas des temps de silence pour mieux intégrer les bénéfices de la séance.
Est-on conscient de ce qui se passe pendant une hypnose?
Oui, vous restez conscient(e) de ce qui se passe, et vous gardez le contrôle. Vous pouvez entendre et comprendre ce que dit le thérapeute. Mais au-delà de ce que vous percevez consciemment, le vrai travail thérapeutique est souvent inconscient, et se prolonge généralement après les séances…
Comment intégrez-vous l’hypnose à vos thérapies brèves ?
Suivant les recommandations de la plupart des études scientifiques, j'utilise cet outil puissant dans le cadre de mes thérapies intégratives.
Ainsi, contrairement à d'autres hypnothérapeutes, je n'ai pas toujours recours à des séances d'hypnose, et il arrive que je m’en passe totalement dans un accompagnement thérapeutique.
En effet, ma pratique thérapeutique se fonde principalement sur l’approche systémique et stratégique de l'Ecole de Palo Alto. Dans cette école, on considère qu'il est important de rendre la personne pleinement actrice, responsable et fière des changements qui vont intervenir au long de la thérapie. (Ce n'est pas le cas avec l'hypnose ericksonienne puisqu'elle active l'inconscient...)
Pour résumer, j'utilise l'hypnose de manière ponctuelle, comme un outil précieux notamment :
pour aider à traiter l’anxiété ou les phobies
en cas de souvenir traumatique
pour dépasser un blocage émotionnel
avec les enfants
lorsqu’on m’en fait explicitement la demande
Conclusion : l'hypnose est un outil précieux pour toute thérapie intégrative
L'hypnose clinique est aujourd’hui un outil thérapeutique scientifiquement reconnu, efficace et encadré, qui place la personne au centre du processus de soin.
Au coeur de l’efficacité thérapeutique de l’hypnose, se trouve la qualité de la relation entre l’hypnothérapeute et la personne hypnotisée.
Personnellement, je n’utilise pas systématiquement l’hypnose dans mes accompagnements, mais je trouve souvent qu’elle permet des raccourcis bienvenus dans une thérapie, et particulièrement avec des enfants.
Pour aller plus loin
i Vous pouvez notamment consulter cet article daté de 2019
ii Le rapport de l'Inserm (2015) se trouve ici
iii L’article du quotidien australien sur l’utilisation de l’hypnose comme alternative à l’anesthésie dans le cadre de craniotomie est consultable ici
iv L’article publié par l'American Psychological Association est consultable ici
v L’étude de la National Library of Medecine, site officiel du gouvernement américain, sur les effets de l’hypnose dans le traitement du sommeil est consultable ici
© Emilie Lacape 2023