Reconstruire la confiance en soi

Emilie Lacape

9/11/20249 min read

Quand on a confiance en soi, on ne s’en rend pas compte. On n'y pense pas. On fait ce qu’on a à faire, et le reste suivra.

Ce qu’il y a de terrible quand on manque de confiance en soi, c’est qu’on n’ose plus. Comme on passe son temps à se dévaloriser, on s'empêche de prendre la moindre initiative.

Si cela se limite à un domaine, ce n’est pas forcément gênant. Tout le monde n’a pas besoin d’être capable de chanter ou danser en public, par exemple.

En revanche, cela peut devenir un problème si le manque de confiance en soi fait tâche d’huile.

Car lorsqu'on perd confiance en soi, on s'enferme dans le conformisme et l'immobilisme pour ne pas se faire remarquer. Résultat, à force de ne pas avancer, au fil des années, les raisons de ne plus avoir confiance en soi s’accumulent...

Si on attend d’avoir confiance en soi pour agir... on risque d’attendre toute sa vie.

Dans cet article, je vous propose d’explorer cette question de la confiance en soi et du manque de confiance en soi en voyant comment se construit le manque de confiance en soi, comment s’entretient le manque de confiance en soi, et comment retrouver confiance en soi.

D’où vient le manque de confiance en soi

1. La confiance en soi, une disposition naturelle

Contrairement à ce qu’on peut penser, la confiance en soi est innée.

Il suffit de regarder un enfant qui apprend à marcher. La première fois qu’il se met debout, ses jambes tremblent. Dès qu’il lâche la main qui le tient, il tombe.

Se met-il pour autant à douter de ses capacités à marcher ? Se demande-t-il s’il va un jour y arriver ? Evidemment, ces questions font sourire : à cet âge-là, un enfant n’a pas les capacités réflexives de se poser ce genre de questions.

S’il tombe, il se relève. S’il retombe, il se relève encore. S’il se cogne aux murs, à ses proches, il ne compte pas ses bleus, il se relève et essaie encore. Jusqu’à ce qu’il tienne debout.

L’apprentissage de la marche n’est qu’un exemple parmi d’autres. Dès sa naissance, l’enfant passe son temps à apprendre : à sourire, parler, manger avec une fourchette...

Le problème est que l'enfant peut aussi apprendre à perdre confiance en soi.

2. L’influence de l’éducation

Au fil des années, le cercle éducatif de l’enfant s’élargit au-delà des parents. Les baby-sitters, les nounous, et les enseignants de l’école, du collège et du lycée, continuent son éducation.

Et ce corps éducatif va avoir une influence primordiale sur la confiance en soi de l’enfant.

Un enfant soutenu, encouragé, félicité pour ses progrès par son cercle éducatif, a toutes les chances de conserver confiance en lui.

A l’inverse, si chacun de ses actes est accueilli par des reproches, des critiques, des jugements assassins, l’enfant risque de perdre peu à peu confiance en lui.

3. L’influence de l’expérience

Plus l’enfant grandit en âge, plus son expérience s’élargit. Les amitiés, les sports et les hobbies par exemple, vont donner de l’ampleur à son expérience de l’échec et de la réussite.

Les réussites en matière scolaire, amoureuse, professionnelle, sociale, donnent confiance en soi.

A l’inverse, quel que soit l’âge, il est difficile de pérenniser la confiance en soi lorsqu’on essuie une série d’échecs…

Un homme qui a très bien réussi sa vie professionnelle jusqu’à la cinquantaine et se retrouve brusquement au chômage à la cinquantaine, risque bien de perdre progressivement confiance en lui s’il enchaine les refus aux entretiens d’embauche.

3. L’influence sociétale

Dans une société qui survalorise la réussite, il n’est pas évident de garder confiance lorsqu’on essuie quelques échecs. Surtout que, comme on a naturellement tendance à se comparer aux autres, on regarde souvent du côté de ceux qui réussissent précisément là où on échoue.

Entre l’omniprésence d’un story-telling positif qui évoque rarement les étapes difficiles et les moments de doute) ; et les réseaux sociaux où chacun pimpe sa vie, son œuvre et ses vacances ; il n’est pas facile de se sentir à la hauteur.

Les études montrent suffisamment l’effet toxique des réseaux sociaux chez les adolescents aujourd’hui, qui sont de plus en plus sujets à l’anxiété et la dépression.

Mais les adultes ne sont pas forcément plus immunes à cette habitude qui consiste à regarder celles et ceux auprès desquels on semble toujours moins – moins bien, moins beau, moins bon, moins aimé, moins talentueux…

Le cercle vicieux du manque de confiance en soi

1. Un discours intérieur dévalorisant

On le voit, certaines habitudes contribuent à saper la confiance en soi. On peut évoquer également cette tendance qui consiste à se refaire la liste de tout ce qu’on a mal fait au moment où on aurait besoin de positiver...

Tout cela nourrit un discours intérieur négatif et défaitiste qui, bien souvent, reprend les termes entendu dans l’enfance ou plus tard.

« Je suis nul... Je ne sais rien faire… Je rate tout ce que j’entreprends... »

« Je suis moche… Personne ne voudra de moi… »

Ce discours intérieur critique et défaitiste se nourrit d'un biais pour le négatif, qui consiste à ne voir de soi que les aspects négatifs (et les ignorer chez les autres). Se déclenchant à des moments critiques, ce discours intérieur nous décourage ainsi de prendre position devant un groupe, aborder la personne qui nous plait, prendre une décision, entreprendre un projet, etc.

2. Une réaction émotionnelle

Parallèlement à ce monologue dépréciateur, se crée une réaction émotionnelle reconnaissable à des manifestations physiologiques (mains moites, joues rouges, coeur qui palpite, transpiration excessives, difficulté d’élocution).

En fait, le cerveau opère un rapprochement entre la situation en cours et le souvenir traumatique d’un ou plusieurs événements douloureux du passé. Les réactions physiologiques associées qui se déclenchent dans un réflexe protecteur inconscient visent à avertir d'un danger potentiel.

Si la réaction émotionnelle reste limitée, il est possible d’affronter ce manque de confiance en soi et d’en repousser les limites.

Mais lorsqu’elle est trop puissante (tétanie, incapacité de parler, panique), la réaction émotionnelle conduit à l’évitement de toutes les situations étiquetées comme « périlleuses ».


3. Un mécanisme qui s'autoentretient

A court terme, le discours intérieur et la réaction émotionnelle s’autoalimentent par le phénomène du biais de confirmation i (phénomène par lequel le cerveau opère un tri sélectif de l’information afin de conforter sa pensée initiale).

A moyen terme, le mécanisme de manque de confiance en soi fonctionne comme une prophétie autoréalisatrice ii (dans laquelle, en se comportant en correspondance avec ce qu’on perçoit, on finit par attirer précisément ce qu’on redoute).

Je donne un exemple :

Sophie, la quarantaine, formée sur le tas, manque de confiance en elle face à sa nouvelle manager Béryl, à peine sortie d’une grande école de commerce. Rapidement, elle se met en tête que Béryl veut la dégager de son équipe.

Quoi que Béryl fasse, Sophie y voit les preuves de ce qu’elle pense : « Béryl ne m’a pas dit bonjour ce matin... Elle soupire quand je parle en réunion... Elle me colle un client difficile pour que je me plante... » (biais de confirmation)

Résultat, Sophie s’écrase, prend de moins en moins d’initiative, et perd de plus en plus confiance en elle… au point que bientôt, Béryl songe effectivement à la sortir de son équipe (prophétie auto-réalisatrice).

Les pistes pour retrouver confiance en soi

1. Soigner les blessures émotionnelles

Si les émotions suscitées par le manque de confiance en soi sont trop vives, c’est que de profondes blessures émotionnelles en sont à l’origine.

Jeanne, la soixantaine, n’a « jamais eu confiance en soi ». Alors qu’elle avait sept ans, sa maîtresse lui demande de venir au tableau. Jeanne qui n’a pas pu apprendre ses leçons devient muette. Comme la maîtresse indélicate s’énerve, Jeanne fait pipi dans son pantalon. Aux hurlements dégoûtés de la maîtresse s’ajoute l’hilarité générale de la classe… – Plus de cinquante ans se sont déroulés depuis, et la plaie reste ouverte.

Lorsque des souvenirs aussi douloureux, même très anciens, sont à l’origine du manque de confiance en soi, il est conseillé de consulter un professionnel de la thérapie brève pour apaiser ces souvenirs traumatiques.

2. Remplacer ses vieilles croyances limitantes

Le manque de confiance en soi se nourrit souvent de croyances limitantes, c’est-à-dire de phrases qu’on se répète plus ou moins consciemment comme des vérités objectives.

Or, ces certitudes limitantes affectent les trois dimensions de la confiance en soi, qui sont l’estime de soi (rapport à soi), l’affirmation de soi (rapport aux autres) et le courage (rapport à l’action).

Faites la liste de toutes ces croyances négatives :

« Je suis moche… Je suis gros(se)… Je suis inintéressant(e)... » (estime de soi)

« Ils vont se moquer de moi… Elle me déteste… Il me méprise... » (rapport aux autres)

« Je suis incapable de… Je ne sais rien faire… Je rate toujours tout... » (rapport à l’action)

Cherchez d’où viennent ces phrases : qui les a prononcées ? Demandez-vous ce qu’elles révèlent, non pas de vous, mais des personnes qui les ont dites.

Trouvez ce que vous souhaitez désormais penser à la place, qui serait plus encourageant pour vous.

« Je n’ai pas encore à appris à… mais il n’est jamais trop tard… »

« Tant que j’essaie encore, je ne suis pas dans l’échec… »

« Je suis plus fort que cette sensation d’inconfort »

Faites-vous une liste qui vous convient, répétez-la à l’envi, et revenez-y dès que vous en ressentez le besoin.


3. Agir pour se sentir capable

De grands timides sont devenus d’immenses artistes de spectacle vivant. Saviez-vous que Jacques Brel vomissait avant chaque concert, tant il était stressé par la scène ?

On peut avoir de grandes ambitions. Mais le risque, lorsqu’on veut aller trop vite, c’est l’épuisement. Pensez au nombres de stars qui le sont devenues trop vite et sont passées par la case de désintoxication.

L’autre risque, c’est le syndrome de l’imposteur. Cette peur atroce d’être démasqué(e) dans son incompétence, parce qu’on a grimpé l’échelle trop vite ou qu’on n’a pas les bons diplômes.

Chi va piano va sano (e va lontano).

Pour reprendre confiance en soi, on peut utiliser le fameux biais de confirmation, en se demandant : Qu’est-ce qui me prouvera que je retrouve confiance en moi ?

On peut ainsi faire la liste de tout ce qu’on fera différemment quand on aura confiance en soi.

Bien sûr, cette liste peut comprendre des grands objectifs. Mais il est important qu’elle comporte aussi des petites choses faciles à réaliser. Plus les étapes seront aisées à franchir, et plus vous aurez envie d’aborder la suivante.

Et chaque fois que vous ferez une chose, vous pourrez vous dire : «Puisque je suis capable de… c’est que je reprends confiance en moi. »

4. Chercher la juste confiance en soi

Contrairement à ce qu’on pense quand on manque de confiance en soi, personne n’a 100 % confiance en soi 100 % du temps.

Trop de confiance en soi conduit d’ailleurs à une trop grande prise de risque : n’est-ce pas précisément ainsi que les grands accidents arrivent ?

La confiance en soi est en réalité un phénomène transitoire. Selon une enquête d'OpinionWay iii, 69 % des Français pensent que la confiance en soi n’est pas acquise une fois pour toute, mais s’éprouve dans le court terme et flutue selon le stress, les échecs et les succès du moment.

Finalement, la juste confiance en soi repose sur trois choses :

- la conscience de vos limites (un sportif qui n’en tient pas compte se blesse)

- la croyance que vous ferez de votre mieux (compte tenu de votre préparation)

- la souplesse d’intégrer l’imprévu et la contradiction (répondre à la question qui tue)

- la capacité de se remettre en cause a posteriori (un bon comique dissèque systématiquement les bides de ses show pour s’améliorer la fois d’après)

Conclusion : la confiance en soi se reconstruit dans l'action

Comme toute réaction émotionnelle, la confiance en soi est influencée par les croyances inculquées par notre éducation, notre culture et nos expériences diverses.

Le manque de confiance en soi est un cercle vicieux qui s’autoentretient par le biais de confirmation et la prophétie autoréalisatrice.

La seule manière de retrouver confiance en soi, c’est de basculer dans le cercle vertueux de l'action. En agissant de manière modeste, en relevant de tous petits défis, il est possible de se sentir à nouveau capable… et digne de de confiance.

Toutefois, si les blessures émotionnelles qui en sont à l’origine restent douloureuses, ou si vous avez besoin de conseils pour savoir par où commencer, vous pouvez vous faire aider par un professionnel de la thérapie brève, qui vous accompagnera sur le chemin de l'action pour reprendre confiance en vous.

Pour aller plus loin

i Pour en savoir plus sur le fonctionnement du biais de confirmation, vous pouvez vous rendre ici https://www.shortcogs.com/biais/biais-de-confirmation

ii Pour en savoir plus sur le phénomène de prophétie autoréalisatrice, vous pouvez consulter ce site https://www.shortcogs.com/biais/prophetie-autorealisatrice

iii  L'étude est citée dans cet article du quotidien Les Echos https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/le-court-terme-est-partout-y-compris-dans-la-confiance-en-soi-1909193