Auto-sabotage : et si vous arrêtiez de vous freiner ?
Emilie Lacape
7/23/20248 min read
Qu’est-ce que l’auto-sabotage ?
Vous aimeriez passer la vitesse supérieure sur certains aspects de votre vie, mais vous sentez que quelque chose vous en empêche. Un peu comme si vous aviez un pied sur l’accélérateur, et l’autre sur le frein…
Et si vous étiez en train de vous auto-saboter ?
Tout le monde s’auto-sabote. Par exemple, en renonçant à faire une séance de sport alors qu’on en aurait besoin. Ou alors, en arrivant en retard à un rendez-vous important. Ou encore, en renonçant à commencer un nouveau hobby qui pourtant nous fait envie.
Tant que ces petits-actes d’auto-sabotage restent minoritaires, il n’y a rien de bien grave.
Mais si ces comportements deviennent récurrent et vous empêchent systématiquement d’avancer, que ce soit à l’école, au travail, dans vos envies créatives, ou dans vos relations amoureuses… l’auto-sabotage devient un vrai problème.
Comprendre ce qu’est l’auto-sabotage, pourquoi on y a recours, et comment y faire face peut vous aider à avancer.
Qu’est-ce que l’auto-sabotage ?
Ordinairement, pourrait-on dire, quand on veut quelque chose, on se donne les moyens de l'obtenir.
Dans l'auto-sabotage, c'est exactement l'inverse : au lieu de se donner les moyens de parvenir à son but, on trouve les moyens d’être sûr(e) de ne pas y arriver. Car l’auto-sabotage consiste à créer systématiquement des obstacles à la réalisation de ses objectifs.
Bien sûr, ce n’est pas un comportement conscient. On ne fait pas exprès de s'auto-saboter.
D’ailleurs, la plupart du temps, lorsqu’on s’auto-sabote, on utilise des arguments qui semblent rationnels, qui ont l’apparence du raisonnable.
Et c’est logique. Quand on s'auto-sabote, ce n'est pas parce qu’on est masochiste, ou parce qu’on veut consciemment échouer. Au contraire, l’auto-sabotage un mécanisme de protection qui vise à se protéger de ce qu’on perçoit inconsciemment comme un danger potentiel.
L’intention de ce mécanisme inconscient est donc bonne. Mais quand on s’auto-sabote de manière systématique, concrètement, on s’empêche d’avancer et de réussir sa vie.
Seulement, comment savoir si on s’auto-sabote, si l’auto-sabotage est un mécanisme inconscient ?
Comment savoir si on s’auto-sabote : les signes à reconnaître
Le comportement d’auto-sabotage est différent pour chacun, et dépend en grande partie de l’âge et du contexte dans lequel on évolue.
Néanmoins, un comportement classique d’auto-sabotage peut se reconnaître à certains signes typiques, parmi lesquels on peut trouver le fait de :
- Ne se préparer pour une échéance (une réunion, un examen...)
- Procrastiner la réalisation d’une tâche importante en la remplaçant par une autre, plus facile et plus agréable
- Eviter de prendre des responsabilités au travail ou en famille
- Ne pas tenir ses promesses ou ses engagements
- Arriver en retard à des rendez-vous ou des réunions importants
- Abandonner quand les choses se complexifient et deviennent difficiles
- Renoncer à commencer quelque chose
Concrètement, cela peut se traduire ainsi :
Marie veut faire des études prestigieuses, mais elle se prépare mal au concours d’entrée, donc elle échoue.
Boris raconte à tout le monde qu’il veut fonder une famille. Pourtant, il enchaine les histoires avec des partenaires qui sont déjà en couple...
Vous avez un entretien d’embauche et vous décidez d’acheter une paire de chaussures pour faire bonne impression. Au rendez-vous, vous n’arrivez pas à vous concentrer sur votre interlocuteur parce que vous avez super mal aux pieds.
A ce stade, vous vous demandez peut-être pourquoi faire des choses aussi absurdes ? Pourquoi faire l’inverse de ce qu’on souhaite ?
Pourquoi on s’auto-sabote
L’auto-sabotage n’est pas vraiment une condition en soi, mais plutôt le symptôme d’autre chose.
En fait, l’auto-sabotage porte mal son nom. Car ce mécanisme de pensée et d’action, qui consiste à se savonner la planche sur laquelle on tente d'avancer, ne repose pas sur une haine de soi ou une quelconque volonté de se nuire.
Bien au contraire, l’auto-sabotage est un mécanisme de défense, ou si l'on préfère un mécanisme d’auto-conservation. Il vise en effet à éviter de ressentir tout un tas d’émotions désagréables, comme la honte, la gêne, la déception, la tristesse… et surtout la peur.
De manière générale, l’auto-sabotage permet d’éviter de faire face à cinq types de peurs :
La peur de se décevoir
Quand on se fixe des objectifs trop hauts, par exemple lorsqu’on est perfectionniste, on risque fort d’être déçu par le constat du décalage entre nos attentes, et la réalité. S’auto-saboter limite le risque d’éprouver des regrets, ou de l’inconfort face à ce qu’on risquerait autrement de considérer comme un échec.
La peur d’être démasqué
Si on pense qu’au fond, on n’est pas assez talentueux, pas assez formé, ou pas assez préparé pour faire ce qu’on a à faire... on a de très bonnes raisons de chercher à se rendre invisible, puisque cela évitera de se faire « démasqué » ! Vous l'avez reconnu, c'est ce qu’on appelle avoir le syndrome de l’imposteur.
La peur du regard des autres
Les attentes que nourrissent sur nous nos parents, nos amis ou nos collègues peuvent générer le stress de la gêne, la honte, le ridicule ou même l’humiliation que nous craignons de ressentir si nous n'atteignons pas nos objectifs.
La peur de l’abandon ou du rejet
Variante de la précédente, cette peur porte sur les conséquences relationnelles d’un éventuel échec. « Si je rate, si je ne suis pas à la hauteur, va-t-on encore m’aimer ? » Cette peur se nourrit généralement de souvenirs émotionnels difficiles qu’on cherche à tout prix à éviter de revivre.
La peur du succès
Cela peut paraître bizarre de prime abord, mais il faut se rappeler que la réussite, le succès bouleverse souvent la vie d’une personne, et notamment ses relations avec son entourage. Eviter de prendre davantage de responsabilités, éviter de prendre des risques permettent de rester dans sa zone de confort. Car même si elle est inconfortable, elle a l’avantage d’être familière.
Repérer vos tendances à recourir à l’auto-sabotage, et comprendre ce qui se cache derrière peut vous aider à agir autrement.
Comment en finir avec l’auto-sabotage
Concrètement, comment casser cette habitude pénible de pensée et d’action qu’on appelle l’auto-sabotage ?
Voici quelques pistes de réflexion et d’action.
Remplacez vos pensées négatives par des pensées constructives
A la base de tout comportement d’auto-sabotage, il y a une mauvaise image de soi qui se nourrit de toute une série de pensées négatives, qu'on appelle aussi discours intérieur négatif.
Faites la liste de toutes les choses négatives que vous vous dites à vous-même, ou que vous dites de vous aux autres.
Prenez ensuite le temps de trouver des alternatives constructives, et prenez la décision de les utiliser chaque fois que possible.
Par exemple :
« Je suis nul » → Je peux m’améliorer
« Je n’y arriverai jamais » → Je vais faire ce que je peux
« Je suis destiné à rater » → Je suis déterminé à progresser
« Je n’ai jamais réussi à » → Je n’ai pas encore réussi à
« Je ne sais pas » → Je n’ai pas encore appris à
Pour compléter cette liste au fur et à mesure que vous repérez des négatives, il peut être utile de prendre des notes sur un téléphone ou un carnet.
Ainsi, chaque fois qu’une pensée négative ressurgit, vous ferez l’effort de la remplacer par une formule encourageante.
Arrêtez de vous juger
Plutôt que de vous reprocher de vous saboter (donc de vous infliger une double-peine), rappelez-vous que l’auto-sabotage est un mécanisme de défense de votre cerveau qui consiste à vous éviter de souffrir.
Cette stratégie d’adaptation, vous l’avez acquise à votre insu, à un moment où il ne vous était pas possible de faire autrement. Vous étiez peut-être enfant, vous étiez peut-être sous pression, dans l’urgence, etc.
Or tout ce qui s’apprend peut se désapprendre. Et le mieux, pour désapprendre, c’est d’éprouver de la curiosité et de la compassion pour soi-même.
Plutôt que de vous juger avec sévérité, soyez indulgent, soyez donc curieux(se) : n’est-ce pas émouvant de songer qu’une partie de vous a mis en place cette stratégie pour vous protéger ?
Chaque fois que je m’auto-sabote,
c’est parce que je cherche à me protéger de mes peurs.
Elles ont dû être bien grandes pour que j’en arrive là...
Vous pouvez vous demander ce qui est à l’origine de ce mécanisme de protection. La plupart du temps, en se penchant sur son passé, on peut aisément retrouver plusieurs blessures de rejet, d’abandon, d’humiliation, de trahison, ou d’injustice i.
Pouvez-vous accepter ce qui s’est passé ? Pouvez-vous vous pardonner ? S’il y a un traumatisme trop lourd à digérer seul(e), ne le laissez plus diriger votre vie, et faites-vous aider ! L'hypnose peut être tout à fait indiquée pour vous libérer de cette blessure émotionnelle.
Repérez vos schémas et créez des actions alternatives
Vous l’avez compris, derrière l’auto-sabotage se cache une émotion inconfortable qu’on préfère ne pas ressentir, comme la peur de l’échec, du succès, de l’abandon, de l’engagement ou de l’insuffisance.
Vous sentez bien que l’évitement n’est pas une solution. Non seulement vous continuez à avoir peur en vous auto-sabotant, mais en plus, vous limitez terriblement votre potentiel. Et ce faisant, vous nourrissez des sentiments comme la frustration et le ressentiment, qui sont tout aussi (sinon plus) déplaisants que les émotions que vous cherchez à éviter.
Pour dépasser l’auto-sabotage, il va s’agir de faire face à vos peurs de façon mesurée et acceptable. Pour cela, vous pouvez commencer par répertorier les comportements d’auto-sabotage (ou d’auto-préservation) que vous adoptez habituellement, et identifier des actions alternatives qui pourraient vous aider à vous rapprocher de vos objectifs réels.
Par exemple :
Chaque fois que je commence une histoire amoureuse, je trompe mon (ma) partenaire. Ainsi s’il (elle) me quitte, je pourrai me dire que je m'en fichais.
En fait, j’ai peur d’être rejeté ou abandonné. Au lieu de tromper mon (ma) partenaire, je peux :
- m’ouvrir à des amis et demander conseil
- me renseigner sur la théorie de l’attachement ii
- trouver le moyen d’évoquer le sujet avec mon (ma) partenaire
- me faire aider en thérapie brève individuelle pour dépasser ce problème
- entamer une thérapie brève en couple si j'ai peur d'en parler à mon(a) partenaire
Demandez de l’aide
Si l’auto-sabotage est une vieille habitude, il ne sera pas facile de vous en défaire du jour au lendemain. Car il ne suffit pas toujours de comprendre pour changer. Soyez indulgent, et acceptez que cela va prendre du temps.
Toutefois, si vous sentez que vous n’allez pas y arriver seul(e), faites-vous aider par un(e) professionnel(le) de la santé mentale, vous gagnerez du temps et de l'énergie.
Si le discours interne négatif que vous avez intériorisé est trop profondément ancré en vous, il peut être difficile et douloureux d’y faire face seul(e). De même, si de véritables traumatismes sont à l’origine de votre auto-sabotage, il sera plus sécurisant de les aborder en thérapie pour guérir vos blessures émotionnelles.
Quoi qu’il en soit, rappelez-vous qu’une thérapie peut être brève : prendre soin de vous ne veut pas forcément dire partir pour des années de thérapie !
Conclusion : l'auto-sabotage est un mécanisme de défense
Ce mécanisme d'auto-préservation est un réflexe appris dans votre passé, par lequel votre cerveau tente de vous protéger d’une douleur émotionnelle.
Si ce mécanisme n’est plus pertinent, si vous sentez que vous pouvez désormais faire face à vos peurs, des options s’offrent à vous pour commencer à changer les choses, à travers votre discours, vos réactions, et votre regard sur vous-même.
Mais si vous vous rendez compte que vous vous auto-sabotez sur tous les plans et de manière systématique, ou si vos blessures émotionnelles sont toujours à vif, alors arrêtez de perdre du temps, et trouvez la ou le thérapeute qui vous aidera à avancer.
Pour aller plus loin
i Si le concept de blessure vous intéresse, vous pouvez consulter le livre de Lise Bourdeau, Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même.
ii Pour en savoir plus sur la théorie de l’attachement, vous pouvez lire le résumé qu’en propose la revue du Cairn en suivant ce lien.
© Emilie Lacape 2023